L’Histoire de la création du champagne reste pour beaucoup un mystère. De nombreuses théories laissent à imaginer que Dom Pérignon fut le créateur du champagne. D’autres légendes s’accordent à dire que les anglais étaient à l’origine des bulles de ce vin. Ces légendes ont fait parler d’elles, mais qu’en est-il de la réalité ?
Nous allons tenter ici d’apporter une réponse à cette question en décryptant l’époque des vins produis en Champagne avant le champagne et ses différentes légendes puis le sujet de la création du champagne, celui des maisons mais aussi de l’AOC champagne et enfin son essor et actualité.
La Champagne avant le champagne
Le vin de champagne
Le mot « champagne » vient du mot « campania » désignant une terre bonne à rien. La terre champenoise avait pour réputation d’être de la mauvaise terre notamment du fait de la présence d’argiles dans les sols. Malgré ce constat la vigne est tout de même parvenue à s’implanter au cours du IIème siècle. Au fur et à mesure le peuple champenois a su développer cette plante pour tirer le meilleur de ses fruits (le raisin), en produire un jus et obtenir un alcool qui deviendra l’un des plus grands vins au monde.
La Champagne est une région productrice de vin depuis le VIème. Le vin y étant produit depuis cette époque était un vin tranquille, c’est-à-dire sans effervescence. Il gagnera en renommée notamment grâce aux sacres des Rois de France se déroulant à Reims du IXème au XIXème siècle. Découverts à Reims lors de leurs sacres, ces mêmes Rois feront partie des premiers à promouvoir les vins de Champagne sur leurs tables, l’aristocratie les découvrira également par ce biais. Ces vins produits dans les abbayes par les moines, ne seront goutés dans un premier temps que par les hommes d’églises et la cour royale, dans un second temps par les quelques aristocrates voulant afficher leur richesse. Au fil des années la vente s’est également ouverte aux bourgeois. Ces derniers y voyant l’occasion d’augmenter fortement leurs revenues notamment à l’occasion des marchés régionaux tels que les Foires de Champagne. C’est à ce moments ci que des « drapiers » (marchands de draps) procédèrent à des échanges, ce qui permettra à certains de découvrir le vin champenois. A partir de la fin du XVIIème siècle (1660), à Aÿ et Epernay les vins étaient après les vendanges et étaient vendus l’année suivante majoritairement à destination de Paris.
A noter la petite histoire des ouvriers du village des Riceys étant allés travailler sur le chantier de la construction du château de Versailles : ces derniers ayant emmené avec eux du fameux Rosé des Riceys donnera l’occasion au Roi Louis XIV et nobles de la cour de le découvrir. Ce vin deviendra l’un des vins de prédilection du Roi. Grand adepte des vins champenois en général, Louis XIV en proposait toujours à sa table. Les grands festins organisés à Versailles ont permis de faire découvrir ces vins somptueux à la cour mais aussi aux étrangers invités par le roi. On notera également que Saint Evremond, exilé par le roi, faisait livrer du vin champenois en Angleterre. Des marchands anglais faisaient importer le vin de Champagne dans leur pays afin de pouvoir le revendre et d’en faire profiter les aristocrates anglais, notamment ceux près du roi Charles II qui appréciait particulièrement le mode de vie à la française.
Les marchands anglais et la mélasse
Le peuple anglais a toujours été un grand amateur de vins relevés. C’est pour cette raison que les marchands anglais rajoutaient, lors des premières heures des vins de notre région, une sorte de mélasse au moment de leur tirage en bouteilles en verres fermées avec un bouchon en liège portugais. Ce sont cet ajout et cette mise en bouteille qui auraient permis au vin de champagne de commencer à « mousser » (même si historiquement les vins de Champagne présentaient naturellement une légère effervescence, ont dit alors que ceux-ci « perlaient »). Les marchands ajoutant cette mélasse à tous les alcools, auraient pu faire apparaitre les premières bulles des vins champenois mais aussi les bulles de la bière. En effet la mélasse créant de l’effervescence modifiait aussi les arômes du vin ce qui les rendait tous semblable les uns aux autres. De plus, l’industrie verrière anglaise étant plus développée que celle française à l’époque, permettait aux anglais de fabriquer des bouteilles en verres plus épaisses grâce à la combustion au charbon et non de bois. Ce phénomène peut donc être considéré comme l’ancêtre de la prise de mousse sans pour autant être souhaité et contrôlé.
Les découvertes de Dom Pérignon
Plusieurs moines champenois ont œuvré pour faire évoluer le vin de leur région. Dom Pérignon fût l’un des premiers à tenter Ses contemporains Dom Ruinart et le Frère Oudart contribuèrent également à ce dessein. Dom pérignon fut le premier à véritablement faire progresser les techniques de pressurage qui composeront le champagne dès 1660, celle-ci ayant permis de faire naitre le vin blanc de champagne. Le vin préalable à ces techniques de pressurage était alors surnommé vin « œil de perdrix » ou encore « vin gris ». À la suite de ces techniques novatrices, Pierre Dom Pérignon a développé une autre expertise, celle de l’art de l’assemblage des différents cépages en fonction de leurs typicités et origines. Il a alors créé les premiers assemblages du vin notamment en assemblant, pour la première fois, du chardonnay, du pinot noir et du pinot meunier. Ces inventions à l’origine de la légende suggérant que Dom Pérignon aurait inventé le champagne ne sont en réalité qu’une facilité de l’esprit. Il n’est en effet pas possible de dire que ce dernier ait inventé les vins de champagne, il les a surtout fait évoluer.
L’arrivée du champagne
La première prise de mousse
Le 25 mai 1728, le roi Louis XV fait instaurer un arrêté royal permettant l’expédition de vin en bouteille et non plus qu’en fût en direction de l’étranger. La France se dotait alors de la possibilité Les producteurs de champagne utilisaient des bouteilles en verre produites en Angleterre. Ces bouteilles plus épaisses grâce à la combustion au charbon, seront combinés avec les techniques découvertes auparavant, ce qui a permis au vin champenois de faire une fermentation, la « prise de mousse ». Le vin champenois aura alors pour la première fois une effervescence régulière. L’aristocratie française continuera à promouvoir les vins de champagne en les désignant, vins de l’avenir.
Les maisons de champagne
Bien avant l’existence du champagne, lors de la production du vin champenois, des maisons de production de vin existaient on les appelait : maisons de la Champagne telle que la maison Gosset. La première véritable maison de champagne telle qu’on les connait actuellement, la maison Ruinart, arrivera un an après l’arrêté royale, en 1729. Cette maison était dirigée par des hommes d’église. Quelques dizaines d’années plus tard, lors de la révolution française en 1789, l’Etat et l’Eglise se séparèrent. Cette dissociation permettra à certains de se lancer dans le commerce du vin et notamment le commerce du champagne. Entre les années 1806 et 1870, 26 maisons de champagne seront créées. On peut notamment citer la maison Laurent-Perrier, la maison Veuve Clicquot mais aussi la maison Marie Stuart.
On note ce développement notamment grâce à l’arrivée de bourgeois et de travailleurs allemand. Les bourgeois souhaitaient se lancer dans le commerce du champagne, lorsque l’attente des travailleurs était simplement de trouver du travail. Certains se sont mariés, ont eu des enfants, ce qui a conduit parfois lors des mariages à un nouveau nom pour la maison familiale. Pour d’autres, ils ont pu créer leur maison et donc donner un nom à consonnance allemande à leur champagne. On peut noter par exemple la maison Krug ou encore la maison Mumm. Les maisons de champagne s’unissent le 4 novembre 1882 au sein du Syndicat du Commerce des vins de Champagne. Elles créent également en 1904 la Fédération des syndicats viticoles de la Champagne.
Création de l’AOC Champagne
Avant la révolution française le vignoble champenois couvrait plus de 50 000 hectares, au XIXème siècle le vignoble atteindra son expansion maximum avec plus de 65 000 hectares. A la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, le vignoble connait une réduction de sa superficie, il descendra alors à 12 000 hectares. Cette baisse trouve sa principale explication dans l’épidémie de phylloxéra, ce sont de pucerons venus d’Amérique qui piquaient la vigne à sa racine et leur donnaient la mort. La vigne mourra en 3 ans après contamination des pucerons, cette épidémie épargnera les vignes américaine (naturellement résistante) et les vignes plantées en terre sableuse. En 1898 l’Association Viticole Champenoise est créé, elle aura pour but de combattre le phylloxéra.
La Première Guerre mondiale assommera à son tour la culture de la vigne. Bons nombres d’hectares seront alors ravagés par les bombardements et beaucoup de vignerons seront tués. À la suite de ces événements, les maisons de champagne réunies sont parvenus à faire en sorte que le nom « champagne » soit utilisé pour les vins ayant des raisins récoltés et manipulés en Champagne. Cependant l’AOC n’était à l’époque pas encore définie, en effet la délimitation de la Champagne viticole n’était pas encore fixée.
Les vignerons réunis en association demandèrent que cette délimitation soit fixée. Cette limite se composera uniquement de la Marne en 1908. Ce qui révoltera les aubois, ceux-ci n’étant pas habilités à produire de champagne ni vendre leurs raisins à la Marne. S’ils décident cependant de faire du champagne, ils devront indiquer en toutes lettres sur l’étiquette que ce vin est un « champagne de seconde zone ». La valeur du vin aubois s’est donc effondrée.
C’est alors que les vignerons aubois se en 1911 à la suite du décret de 2 février 1911 qui excluent en totalité les aubois de la production de champagne. Le 22 juillet 1927 les révoltes vont s’achevèrent, la délimitation de la Champagne apparait, elle est donc composée de la Marne, l’Aube une partie de l’Aisne et de la Seine et Marne. A la suite de cette délimitation, les premiers gages de qualité apparaissent en 1927. C’est pourtant entre 1931 et 1935 que le débat s’intensifie, en effet après la crise de la surproduction, l’offre étant plus forte que la demande, le raisin ainsi que le champagne avaient perdu de leurs valeurs, ce qui conduit à une perte financière énorme pour les vignerons. Sur leur demande sera fixé le 30 septembre 1935 un décret concernant le rendement à la vendange, le degré d’alcool, le temps de vieillissement mais aussi le rendement au pressurage. On a alors la première ébauche de l’AOC Champagne. Il faudra attendre le 29 juin 1936 pour voir apparaitre l’AOC Champagne.
La commercialisation du champagne
La révolution industrielle
De plus, de nombreuses inventions ont permis de rendre la production de champagne plus facile. On peut voir des techniques différentes mais aussi des outils plus performants. L’invention des cuves en inox permettra un meilleur stockage et une capacité de production beaucoup plus grande. On peut aussi citer la table de remuage, inventée par madame Clicquot. Grâce à cette table, les producteurs de champagne eurent la possibilité de faire descendre les levures dans le goulot de la bouteille et les évacuer, ce qui donnera un vin plus limpide. Cette technique sera révolutionnée une nouvelle fois grâce à l’arrivé du gyropalette, évolution de la table de remuage en 1972. La technique du dégorgement, traditionnellement appelée « à la volée » est une technique très complexe permettant d’enlever les levures mortes lors de la fermentation. L’innovation sera donc dans la technique, au lieu de le faire à la main, les vignerons plongent les bouteilles de champagne dans une cuve de solution à -25°C, il ne restera alors plus qu’à enlever le glaçon créé pour extraire les levures. Cette invention de Armand Walfare en 1882, permettra de dégorger plus de 800 bouteilles par heure. L’invention de machine décapsulant les bouteilles ont permis de multiplier ce chiffre par 20. Toutes ces inventions ont permis aux grandes maisons comme Moët&Chandon de se développer et d’augmenter considérablement la production mais aussi les ventes.
Les Guerres mondiales et leur impact sur la production
Lors de la Première Guerre mondiale, le vignoble champenois a été ravagé. Beaucoup de vignerons ont été tués impactant considérablement la production, et donc les ventes de champagne. Elles augmenteront à nouveau dans les années 20 dites les années folles. Cependant, lors de la Seconde Guerre mondiale, pendant l’occupation allemande, la production de champagne était contrôlée par les allemands afin que ces derniers puissent en envoyer une grande partie en Allemagne. En effet les allemands étaient de grands amateurs de vin et surtout le champagne qui durant l’entre-deux guerres était devenu le vin prestigieux à avoir sur sa table. Une nouvelle fois, le vignoble sera détruit par endroits. Des familles seront tuées, de terres seront bombardés. C’est après le départ des allemands, lors de la reconstruction du pays, que le champagne reprendra petit à petit sa production. Ce second conflit aura cependant eu moins d’impact sur le vignoble champenois que le premier.
L’après-guerre
À la suite de ces conflits, l’expansion vers les Etats-Unis et la Russie repris. Les ventes de champagnes se développeront dans le monde entiers grâce aux grandes maisons. L’expansion et l’exportation des bouteilles de champagne représentent aujourd’hui plus de 22% des exportations de vin à l’international. La Champagne exporte son vin dans plus de 190 pays. La consommation de champagne représente 33% de la consommation des vins effervescents dans le monde. Déjà au XVIème siècle, les anglais parlaient du vin du futur. Celui qui serait sur toutes les tables, pour toutes les occasions et surtout le meilleur vin .
Depuis les années 2000 et 2010, l’esprit vignerons revient petit à petit sur les devants de la scène. En effet si les vignerons ont toujours été présent dans le paysage champenois mais ils ont su depuis quelques années se réinventer. Beaucoup de vignerons s’orientent aujourd’hui sur le . D’autre se réapproprient les fûts de chêne donnant une autre dimension gustative au champagne. On peut aussi voir une diminution des dosages du champagne, on privilégie de plus en plus le vin extra brut ou nature c’est-à-dire avec de faible dosage. L’accent sur les parcelles et leur identité est aussi de plus en plus présent. En effet certains cépages, parfois oubliés sont à nouveau utilisés afin d’obtenir des champagnes uniques.
Les vins de Champagne sont en perpétuelle évolution, passant des vins dits « œil de perdrix » à un vin effervescent puis à des vins de grandes techniques. Longtemps le champagne a été régi par l’aura et prédominance des grandes maisons, l’esprit vigneron de plus en plus mis en avant remet l’emphase sur une recherche de vins originaux basés sur les techniques nouvelles ou issues de leurs prédécesseurs. La crise environnementale pourrait également faire évoluer les vignerons vers des considérations encore plus environnementales.
Les préoccupations actuelles se tournant vers la crise sanitaire actuelle, que va-t-il se passer pour les différent acteurs champenois ? Quel pourrait être leur avenir après cette crise ? Nul doute que la production des vins de champagne perdurera encore, mais de quelle manière ? Les vignerons ont su prouver qu’ils s’avaient s’adapter et ce même aux plus tragiques des circonstances, soyons sûr que ces derniers parviendront à s’acclimater aux prochaines heures de notre Histoire.